Cent ans de football haïtien, cent ans d’émotions, de victoires symboliques et de désillusions. Ce centenaire est l’occasion de célébrer la passion inébranlable du peuple haïtien pour son équipe nationale, mais aussi de dresser un constat amer : si le talent ne manque pas sur le terrain, la gestion en coulisses reste chaotique, à l’image d’un pays qui peine à se structurer et à se moderniser.
Un potentiel immense, mais une structure en ruine
Depuis ses premiers pas sur la scène internationale jusqu’à sa qualification historique pour la Coupe du Monde de 1974, le football haïtien a toujours été une source de fierté. Il a révélé des joueurs talentueux, suscité un engouement populaire et prouvé que le pays pouvait rivaliser avec les grandes nations du football. Pourtant, derrière cette passion, le système peine à suivre.
Les clubs nationaux sont en déclin, privés de soutien financier et d’infrastructures adéquates. Les compétitions locales manquent d’organisation et de régularité. Pendant ce temps, les jeunes espoirs sont souvent contraints de s’exiler pour espérer progresser, car en Haïti, l’encadrement et la formation sont inexistants ou largement insuffisants. Ce manque de vision et de structuration rappelle tristement d’autres secteurs du pays : l’éducation, l’économie, la santé, tous marqués par la précarité et l’improvisation.
Une administration paralysée par l’instabilité et la mauvaise gestion
Le football haïtien est le reflet des dysfonctionnements plus larges de la société. La Fédération Haïtienne de Football (FHF), au lieu d’être un moteur de développement, est minée par les scandales et l’instabilité. La mise en place d’un Comité de Normalisation après des années de mauvaise gouvernance n’a pas encore produit les réformes attendues.
Cette situation rappelle celle de l’État haïtien, où les institutions sont fragiles, les décisions souvent improvisées et les responsables rarement tenus comptables de leurs actes. Tout comme le football, l’économie nationale souffre d’un manque d’investissements, d’une corruption endémique et d’une absence de planification. Le résultat est le même : un potentiel énorme, mais un développement entravé par la mauvaise gestion et l’incompétence.
Un centenaire qui doit être un signal d’alarme
Célébrer 100 ans de football en Haïti ne doit pas être une simple occasion de nostalgie. Ce centenaire doit être une prise de conscience collective. Il est temps de bâtir des bases solides, d’investir dans des infrastructures sportives modernes, de créer un cadre propice à l’épanouissement des jeunes talents et d’assurer une gestion transparente et professionnelle du football national.
Mais au-delà du sport, c’est tout le pays qui doit s’inspirer de cette réflexion. Haïti ne peut plus se permettre de naviguer à vue, que ce soit dans le football ou dans son développement global. Il faut une vision, une volonté politique et une mobilisation nationale pour transformer le chaos en progrès.
Le talent est là. L’envie aussi. Mais tant que les coulisses resteront désorganisées, les exploits sur le terrain resteront de simples éclairs dans une nuit trop longue. Haïti mérite mieux. Son football aussi.
Jean Daniel PIERRE/Yedasports