Alors que Melchie Daëlle Dumornay, surnommée « Corventina », continue de briller sur les terrains européens avec l’Olympique Lyonnais, atteignant des sommets inédits pour une footballeuse haïtienne, une question cruciale se pose : jusqu’à quand Haïti verra-t-elle le centre FIFA Goal produire une autre joueuse de son calibre ? La réponse, malheureusement, semble lointaine, tant les dysfonctionnements de la Fédération Haïtienne de Football (FHF) et l’inaction de l’État haïtien entravent le développement du football féminin.
Une star mondiale, mais un système défaillant
Melchie Dumornay, à seulement 21 ans, est devenue un symbole de réussite pour Haïti. Élue meilleure joueuse de la CONCACAF pour la saison 2023-2024, elle a marqué l’histoire en étant la première Haïtienne à remporter ce titre prestigieux. Ses performances en club, notamment avec l’Olympique Lyonnais, où elle a déjà inscrit 12 buts cette saison, en font l’une des joueuses les plus prometteuses au monde. Pourtant, derrière cette success story se cache une réalité bien plus sombre : celle d’un système footballistique haïtien en ruine, incapable de capitaliser sur les talents qu’il produit.
Le Ranch de la Croix-des-Bouquets : un espoir devenu symbole de désolation
Le Ranch de la Croix-des-Bouquets, ancien centre de formation FIFA Goal, a été le berceau de nombreuses joueuses talentueuses, dont Dumornay elle-même. Cependant, aujourd’hui, ce lieu est dysfonctionnel, voire inaccessible, en raison de l’insécurité et du manque d’investissement. Les gangs qui contrôlent la zone ont rendu impossible toute activité sportive, privant ainsi une nouvelle génération de jeunes filles de la possibilité de suivre les traces de Dumornay.
Kimberly Pierre, analyste sportive, souligne que « le pays ne dispose pas assez d’infrastructures sportives » et que « la génération d’après Dumornay ne se trouve pas aujourd’hui sur le terrain, à pratiquer passes et dribbles, prête à prendre la relève ». Jusqu’à quand Haïti verra-t-elle ses infrastructures sportives tomber en ruine, sans aucune initiative pour les réhabiliter ?
La FHF : entre amateurisme et manque de vision
La Fédération Haïtienne de Football (FHF) est souvent pointée du doigt pour son manque de vision et son amateurisme. Malgré les performances historiques de l’équipe féminine, comme leur participation à la Coupe du Monde 2023, la FHF n’a pas su capitaliser sur ces succès pour développer le football féminin. En dix mois, la sélection nationale n’a disputé que cinq matchs officiels, un chiffre dérisoire comparé aux autres nations de la CONCACAF.
Frédéric Gonçalves, ancien sélectionneur des Grenadières, a même quitté son poste pour rejoindre l’Olympique de Marseille, dénonçant le manque d’initiatives et de soutien de la FHF. Cette désorganisation chronique a des conséquences directes : les joueuses haïtiennes, bien que talentueuses, ne bénéficient pas des conditions nécessaires pour se préparer aux compétitions internationales. Jusqu’à quand Haïti verra-t-elle sa fédération footballistique fonctionner dans un tel amateurisme ?
L’État haïtien : un acteur absent
L’État haïtien, de son côté, semble indifférent au sort du football féminin. Alors que des pays comme les États-Unis ou le Canada investissent massivement dans leurs équipes féminines, Haïti peine à fournir des infrastructures de base. Le manque de championnats nationaux et l’absence de soutien financier aux clubs locaux privent les jeunes joueuses de débouchés.
Pire encore, l’insécurité généralisée dans le pays rend presque impossible toute initiative sportive. Les gangs, qui contrôlent une grande partie du territoire, ont transformé des lieux comme le Ranch de la Croix-des-Bouquets en zones interdites. Jusqu’à quand Haïti verra-t-elle ses jeunes talents étouffés par l’insécurité et le manque de soutien institutionnel ?
Un avenir incertain pour le football féminin haïtien
Alors que Melchie Dumornay continue de porter haut les couleurs d’Haïti sur la scène internationale, l’avenir du football féminin haïtien semble bien sombre. Sans un centre de formation fonctionnel, sans une fédération compétente et sans un État engagé, il est peu probable que le pays produise une autre joueuse de son calibre dans un avenir proche.
Jusqu’à quand Haïti verra-t-elle ses talents partir à l’étranger sans pouvoir les faire éclore sur son propre sol ?
La question n’est pas de savoir si Haïti peut produire une autre Melchie Dumornay, mais plutôt si les autorités sont prêtes à créer les conditions nécessaires pour que cela soit possible. Pour l’instant, la réponse est claire : non. Le temps presse, et chaque jour perdu est une opportunité en moins pour les jeunes filles haïtiennes de rêver à un avenir meilleur grâce au football.